23 h 45, le 8 octobre 2022
Quarante-neuf ans après le premier choc pétrolier, un choc multi-énergétique menace l’Union européenne. Le pétrole, le gaz et l’électricité voient leurs coûts s’envoler sous l’effet d’une tempête parfaite, conjuguant les séquelles de la pandémie, les conséquences de la guerre en Ukraine – pénuries, inflation et récession -, et les impératifs de la transition énergétique. Alors que les ventes de véhicules à moteur thermique seront interdites à partir de 2035 dans l’UE et leur circulation interdite en 2050, une enquête publiée en exclusivité dans le JDD révèle l’inquiétude des ménages les plus démunis, alors que la hausse du prix des carburants atteint 33,54 % depuis le début de l’année.
Essence
Les files d’attente devant les stations-service vont persister. Car les mouvements de grève dans plusieurs raffineries et dépôts de carburant se sont renouvelés hier chez TotalEnergies (qui gère près d’un tiers des 11.000 stations-service françaises) et ExxonMobil, selon la CGT. Samedi, trois des six raffineries françaises restaient à l’arrêt : la plus grande de TotalEnergies, en Normandie, ainsi que les deux exploitées par l’américain Esso-ExxonMobil, où le taux de grévistes est estimé à près de 70 % – et 100 % à la raffinerie TotalEnergies à Feyzin, dans le Rhône. Les grévistes réclament une augmentation de salaire de 10% et le dégel des embauches. Ces blocages entraînent une baisse des livraisons de carburant et une rupture des stocks dans les stations-service. Si Emmanuel Macron appelle les automobilistes au calme et les groupes pétroliers à la « responsabilité », l’amélioration n’est pas attendue avant plusieurs jours.
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Dans le même temps, et de manière moins perceptible pour les salariés et les consommateurs, deux tremblements de terre se sont produits en dix jours. Le premier, au sein même de l’UE, a été la décision unilatérale de l’Allemagne de créer un « bouclier de défense » pour résister aux flambées des prix, Berlin étant fortement dépendante des exportations de gaz russe. Cette subvention massive de 200 milliards d’euros (contre les 67 milliards investis par la France et les 68 milliards par l’Italie), fragilise l’unité des 27. Et expose les pays incapables de financer des enveloppes aussi colossales à des risques sur les marchés du fait des taux d’intérêt. différentiels.
L’épicentre du second se situait à Vienne, où l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), dont la Russie est membre, a annoncé le 5 octobre la réduction de sa production de 2 millions de barils par jour, soit 2 % de l’approvisionnement. , avec pour conséquence une augmentation des prix. Il s’agit d’une sanction délibérée contre les pays consommateurs. Y compris ceux de l’UE – premier importateur mondial d’énergies fossiles -, alors que le prix du baril de Brent est déjà deux fois plus élevé que son niveau historique de long terme, à 90 euros.
Zones à faibles émissions
Déjà indispensable pour des raisons de santé publique et de protection de l’environnement, le développement des énergies bas carbone est aussi la meilleure arme contre l’explosion du coût des énergies fossiles. Mais les mesures mises en place dans le cadre de cette transition comportent néanmoins des aspects contraignants à court et moyen terme. Surtout pour les propriétaires de véhicules polluants.
Selon Aramisauto (société spécialisée dans la vente en ligne de véhicules neufs et d’occasion, filiale du constructeur Stellantis), qui publie un baromètre annuel du marché automobile en France réalisé par OpinionWay, les ménages modestes dont les revenus mensuels sont inférieurs à 2.500 euros nets, soit 46% des actifs, inquiètent. L’extension des ZFE (zones à faibles émissions) à toutes les agglomérations de 150 000 habitants d’ici 2025 implique l’interdiction de circuler avec des véhicules non propres. Identifié grâce aux vignettes Crit’Air (voir explications page ci-contre), ce dernier sera interdit du Grand Paris, dans le périmètre de l’A86, à partir de juillet 2023 pour Crit’Air3. A Lyon, Montpellier, Grenoble, Rouen ou Strasbourg, les restrictions s’étendront du critère 5 au critère 4 l’an prochain.
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Les plus touchés par ces mesures n’ont pas le budget nécessaire pour acheter un véhicule propre, malgré les aides gouvernementales
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La France, quatrième pays au monde par le nombre de ZFE, compte 17,5 millions de véhicules classés Crit’Air3 ou plus, ce qui représente… 40 % du parc automobile actuel. Pourtant, 75 % des ménages modestes interrogés dans l’étude Aramisauto-OpinionWay se disent dépendants de leur voiture, sans offre de transport alternatif pour 60 % d’entre eux, notamment pour se rendre sur leur lieu de travail. Et 42%, propriétaires d’un véhicule Crit’Air4 ou 5, se disent déterminés à le conduire malgré l’interdiction à venir. « L’étude reflète un véritable clivage, estime Romain Boscher, directeur général d’Aramisauto. Les personnes les plus concernées par ces mesures n’ont pas le budget nécessaire pour acheter un véhicule propre, malgré les aides gouvernementales. Car les voitures électriques sont en moyenne 50% plus chères que les modèles à moteur thermique. »
Électrique
Alors que les constructeurs européens et français préparent depuis des années le passage au tout électrique, et que les ventes décollent en France (12,1 % du marché au premier semestre 2022), l’ampleur et la rapidité du changement dans l’Union européenne restent favorise la Chine, qui vend déjà un véhicule électrique sur deux dans le monde. La commande de 100 000 voitures électriques passée par le loueur de voitures allemand Sixt au chinois Byrd, avec 100 000 de plus en six ans, symbolise ce déséquilibre des capacités industrielles.
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« Les prix des véhicules propres chinois sont inférieurs de 30 % aux prix des modèles européens, souligne François-Xavier Pietri, auteur d’une enquête à paraître sur le sujet. Et la Chine détient également 80 % du marché des batteries, tout en dominant celui des matériaux rares, dont le lithium et le cobalt, nécessaires à leur production. » Aucune barrière réglementaire ou technique n’a jusqu’à présent été mise en place dans l’UE sur ce marché crucial. La France, dont le déficit commercial a battu un nouveau record en août, à 15,5 milliards d’euros, est plus vulnérable que les autres à une hausse des importations.