Par Nicolas Gosselin
Publié le
Voir mon actu
« Ils ne respectent aucune distance de sécurité et roulent parfois à 100 km/h sur la voie du milieu. Il n’y a pas assez de les contrôles etc les sanctions verser les camions »râle Jean-Philippe, sur les réseaux sociaux, après un accident impliquant cinq camions sur la rocade de Bordeaux 19 septembre 2022.
Comme lui, de nombreux automobilistes pointent réguillet le comportement dangereux des routiers sur le plus long périphérique de Franceemprunté par environ 19 000 poids lourds au quotidien.
Il faut dire que depuis l’ouverture des frontières de l’Union européenne, le trafic routier n’en finit plus d’augmenter. « Au cours des dix dernières années, il augmente en moyenne deux fois plus vite que la population », souligne une étude de la DREAL et du CEREMA publiée en 2019. abonde un officier de la CRS autoroutière Aquitaine, compétente sur un secteur de 182 km, couvrant notamment la rocade bordelaise.
L’essentiel du transit se concentre sur la rive droite
Cette augmentation est très marquée entre la bourse 1 et la bourse 15 (+ 26 % de 2010 à 2019) ; c’est-à-dire sur la portion qui concentre le transit et donc de nombreux poids lourds immatriculés à l’étranger. C’est un passage obligé pour les camions qui vont en direction ou viennent de la péninsule ibérique. Elle repose l’A63,A62,A10 et la N89/A89.
En cette matinée d’octobre, des agents de la Autorouteur CRS sont postés en bas de la descente de Bouliac, la portion de la rocade située entre l’échangeur 24 et le pont François Mitterrand, où les poids lourds ont interdiction de dépasser et douvent respecter une limitation de vitesse fixée à 70 km/h. « Ici, c’est un puits sans fond », commente Stéphane Maroussie, le major responsable de la section motocycliste.

Avec un radar jumeau, ça revient à passer un coup d’épuisette dans un aquarium rempli de poissons apathiques. La pêche est bonne à tous les coups ! « Par flemme, certains chauffeurs laissent le régulateur de vitesse à 80 km/h (ndlr : la limitation de vitesse autorisée pour les poids lourds sur la majeure partie de la rocade) », explique un fonctionnaire.
Les temps de conduite et de repos sont contrôlés
Aujourd’hui, un chef de train brésilien – employé par une société de transport portugaise – et un chauffeur espagnol sont les premiers à se faire prendre. Les deux devront s’acquitter d’une contravention de 3e classe d’un montant de 45 euros pour un excès de vitesse inférieur à 20 km/h.
Mais Stéphane Maroussie ne s’arrête pas là : il contrôle le respect de la réglementation sociale européenne (RSE). Promulguée en 2006, et réadaptée en 2020 suite à une réforme (intitulée « le paquet mobilité »), cette loi harmonise les aspects « temps de conduite et de repos des conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes ou de plus de 9 places », dans les États membres ainsi que dans certains pays tiers.
Par exemple, un chauffeur n’a pas le droit de rouler plus de 4h30 d’affilée. Son temps de conduite par jour et par semaine est aussi contrôlé, ainsi que ses plages de repos, afin de veiller à ce qu’il ne mette pas en danger la vie d’autrui en s’endormant au volant.
« Le camion, c’est notre prudence pour le versement de la verbalisation »
Pour ce contrôle, Stéphane Maroussie exporte les données du tachygraphe présent à l’intérieur de la cabine du camion (sorte de boîte noire du véhicule) avec une clé spéciale et les importe sur le logiciel OCTET.
Ensuite, le motard peut controller jusqu’à 28 jours en amont si la RSE a été bien respectée. Si non, le routier s’expose à une lourde amende. Cette fois-ci, c’est bon. Le routier, qui transporte 17 palettes de carrelage depuis la Belgique – où il est parti la veille – vers la Murcie, est dans les clous.

En général, la contravention est rapidement payée par l’employeur qui vire les fonds à son chauffeur. Parce que le temps, c’est de l’argent. Et si le conducteur étranger ne veut pas régler l’amende, le poids lourd est immobilisé par les forces de l’ordre : « Le camion, c’est notre prudence au versement de la verbalisation », justifie le major. Histoire qu’elle ne tombe pas aux oubliettes dès que le routier aura repassé la frontière.
La CRS autoroutière fait aussi de la prévention
Outre la verbalisation, la CRS autoroutière organise des opérations de communication qui sont faites par des agents dans les grandes entreprises de transport, comme Lacassagne ou XPO, pour sensibiliser leurs chauffeurs sur les risques de conduite addictive, sur la RSE, sur le chargement, etc. Aussi, la CRS autoroutière intervient dans des lycées professionnels, comme Léonard de Vinci à Blanquefort, ou des centres de formation, comme Aftral à Artigues-près-Bordeaux.
Ce matin-là, les brigades de la CRS autoroutière n’ont pris en flagrant délit que des chauffeurs de poids lourds immatriculés à l’étranger. Auraient-ils une conduite particulière dangereuse à cause des timings très serrés qu’ils doivent tenir et de la pression de leur patron ? C’est la marotte qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux.
« Routier, un métier difficile »
Stéphane Maroussie ne veut pas tomber dans la stigmatisation : « Les routiers font un métier difficile que je respecte. Ils passent leur journée dans la cabine, mangent au pied du camion et dorment dedans… Et surtout, il ne faut pas penser qu’ils sont toujours en tort quand il y a un accident. Souvent, des automobilistes veulent forcer le passage dans leur angle mort et ça finit en accrochage. »

« Il n’est pas question de stigmatiser plus les poids lourds que les véhicules légers, abonde Frédéric Cayla, commandant divisionnaire de la CRS autoroutière Nouvelle-Aquitaine. Les poids lourds ne font pas plus d’infractions que les voitures. Mais quand il y a un accident impliquant un camion, c’est toujours plus impressionnant. »
D’ailleurs, l’officier de police constate une diminution des accidents impliquant un poids lourd sur la rocade de Bordeaux en 2022 par rapport à l’année précédence (74 sur les neuf premiers mois en 2021, contre 58 sur la même période l’ année d’après).
Les infractions pour dépassement interdit en forte augmentation
Et si les verbalisations pour Stationnement interdit sur bande d’arrêt d’urgence ont baissé de moitie cette année, notamment grâce à une politique d’appétit des agents autoroutiers suite à un accident mortel au niveau de Gradignan en août 2021, les dépassements interdits sont en forte augmentation : + 86%. Idem pour les vitesses excessives puisqu’elles sont passées de 1087 en 2021 sur les huit premiers mois à 2525 en 2022 sur la même période (poids lourds et véhicules légers confondus).

Dépassements interdits, excès de vitessenon-respect des distances de sécurité… 365 jours par an, 24 h/24, les 64 agents des brigades de jour et de nuit de la CRS autoroutière Aquitaine font la chasse à ces comportements délictueux. « C’est notre cheval de bataille : lutter contre les infractions qui sont de nature à créer de l’insécurité routière », explique Frédéric Cayla.
Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre Actu Bordeaux dans l’espace Mon Actu . En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.