Parfois appelé « jeûne », le jeûne intermittent est une pratique de plus en plus populaire qui consiste souvent à sauter le petit-déjeuner ou le dîner dans le but de perdre du poids. Que se passe-t-il dans notre corps pendant cette privation ? Ce type de jeûne est-il recommandé ? Les réponses avec le professeur David Jacobi, enseignant, chercheur et médecin spécialiste en nutrition à l’Institut du thorax. Il donne ce jeudi soir à Nantes une conférence grand public intitulée « Jeûne intermittent, quand les hormones se mettent à table », en marge du 38e congrès de la Société française d’endocrinologie qui se tient jusqu’à samedi.
Quel est le lien entre l’appétit et les hormones ?
Rappelons d’abord qu’une hormone est un produit fabriqué par le corps qui l’aide à fonctionner et à s’adapter à toute situation à laquelle il est soumis. Derrière les sensations de faim ou de satiété se cache tout un cortège d’hormones. En particulier, ils communiquent des messages de plusieurs organes, comme le tube digestif (estomac, intestin) ou les tissus graisseux, au cerveau, qui pourra ainsi réguler la faim et la satiété de manière appropriée. Par exemple, l’appétit est stimulé par la ghréline et inhibé par la leptine.
C’est ce dernier qui nous dit quand s’arrêter…
Les hormones nous aident à manger la quantité dont nous avons besoin et idéalement pas plus. Mais on mange aussi pour le plaisir, parce que c’est bon ! On peut aussi exercer un contrôle volontaire et décider de se restreindre, dans une stratégie de perte de poids. Mais ce n’est pas toujours très efficace, car il est difficile de tenir la distance…
Moins contraignant, le jeûne intermittent est une pratique de plus en plus populaire, et qui vous intéresse. Pourquoi ?
Le jeûne intermittent gagne une certaine popularité car on contrôle le moment plutôt que les quantités, une approche pour perdre du poids en se privant moins. Elle est d’autant plus intéressante que les connaissances scientifiques semblent confirmer son intérêt. Un petit-déjeuner de 6 h et un dîner de 22 h, avec un jeûne nocturne très court, n’est clairement pas très bon pour votre gestion du poids et plus largement pour votre santé métabolique (tension artérielle, taux de sucre, cholestérol, etc.). Une façon de pratiquer le jeûne intermittent est donc de réduire la fenêtre d’alimentation au meilleur moment pour que le corps absorbe, digère et intègre les nutriments. Des études très récentes ont également montré que l’apport calorique le matin contribue à une meilleure satiété par rapport au même apport calorique le soir. Il serait donc plus efficace de retenir le petit-déjeuner plutôt que le dîner, même s’il peut être plus facile de faire l’inverse par rapport à son organisation personnelle, sociale ou familiale.
Quels mécanismes entrent en jeu ?
Ce que nous essayons de faire, c’est d’avoir des horaires de repas en phase avec notre horloge interne (appelée horloge circadienne), qui gère tout le fonctionnement harmonieux de l’organisme sur 24 heures. Le rythme quotidien est divisé en deux grandes phases de sommeil et de réveil, et le jeûne intermittent est un moyen de bien respecter le jeûne nocturne. L’un des grands problèmes des temps modernes est que la vie, sociale ou professionnelle, peut perturber nos rythmes naturels : nous avons des éclairages artificiels, des réfrigérateurs, de la nourriture disponible à tout moment…
Quels sont les avantages si nous y arrivons?
Le respect de ces rythmes améliore votre situation métabolique. Par exemple, vous aurez un meilleur fonctionnement de l’insuline et serez plus sensible à son action. Une bonne chose car cela peut réduire le risque de diabète. Un des avantages serait une meilleure régulation de votre appétit. On sait aussi que la perturbation des rythmes aura un impact sur l’humeur, la fatigue et même la dépression. Là encore, manger bien rythmé fait probablement partie d’une bonne hygiène circadienne et peut contribuer à améliorer la qualité du sommeil, géré par deux autres hormones : la mélatonine (qui favorise l’endormissement) qui augmente le soir et diminue le matin et le cortisol (éveil), qui fait le contraire.
Vous recommandez donc le jeûne intermittent à vos patients ?
Nous sommes dans un contexte où les maladies métaboliques sont de plus en plus fréquentes dans la population : obésité, diabète de type 2… Il faut donc se poser la question des nouveaux conseils que l’on peut être amené à donner. Le jeûne intermittent, pratiqué de manière raisonnable (par exemple en respectant un jeûne nocturne d’au moins 12 heures avec des horaires les plus réguliers possibles) avec une alimentation équilibrée, peut permettre de restructurer les apports alimentaires pour un bénéfice sur la santé. En revanche, je suis beaucoup plus prudent en préconisant des formes de jeûne plus prolongées, le niveau de preuve scientifique étant beaucoup plus faible.