Tout a commencé par un match en 1997. A l’époque, la catégorie s’appelait poussins et correspondait grosso modo aux U10. Les enfants de l’OL affrontent ceux de Bron dans un tournoi. Un gamin, pas plus grand ni plus fort que les autres, marque quatre buts face aux mini-Gones. C’est le début de la riche histoire de Karim Benzema, repéré ce jour-là par le grand club de sa région, vbingt-six ans avant son Ballon d’Or. Cette histoire est celle des débuts de celui qui deviendra le meilleur joueur du monde.
Au début, ce n’était pas facile. Timide, presque muet, l’enfant au physique frêle n’est pas celui qui crève le plus l’écran. Mais à force d’y croire et, surtout, de tout faire pour y arriver, il va croquer ses adversaires les uns après les autres. Cette histoire est celle de la révélation de Benzema quelque part entre Rhône et Saône.
Karim Benzema sur ses débuts à Lyon et en équipe de France (visuel : Quentin Guichard)
Crédit : Quentin Guichard
ballon d’Or
Et maintenant, quelle place pour Benzema dans l’histoire du football français ?
IL Y A 7 HEURES
Cependant, tout a failli s’arrêter très rapidement. L’internat du centre de formation OL était alors réservé uniquement aux enfants habitant à plus de 30 kilomètres. L’appartement des parents Benzema n’est qu’à cinq kilomètres de Tola-Vologe.
« Son père voulait absolument le sortir du quartier après le 3 donc je n’avais pas le choix, j’ai dû faire une exception à la règle et j’ai dû convaincre le directeur du centre qui ne voulait pas en entendre parlerrembobine Gérard Bonneau, le patron du recrutement des jeunes à l’OL qui a joué un rôle fondamental dans l’éclosion de KB9. J’ai dit à Karim : ‘Ok, on va t’emmener mais il ne faut pas faire de conneries.’ De 15 à 18 ans, tous les jeunes font des bêtises, petites ou grandes. Lui, rien en trois ans. Son père l’avait encadré et, surtout, Karim savait ce qu’il voulait. »
A 15 ans, quand je le vois, il est épais, renfermé
L’intégration au centre est déterminante dans la réussite de ceux qui mettent alors tout en œuvre pour atteindre leur objectif : devenir pro. C’est le premier secret du succès de Karim Benzema : son entêtement qui vire à l’obsession. « Je n’avais jamais vu un garçon avec un tel projetcontinue Bonneau. Il a tout fait pour réussir en se privant de beaucoup de choses. Des joueurs avec ses qualités, il y en avait mais, mentalement, il n’avait pas d’équivalent à cet âge-là. Aucun.« Dès l’âge de 15 ans, il vit, respire, mange et dort le football. Là où les chambres d’ados de Tola-Vologe sont bordées de voitures et de chanteurs en tous genres, la sienne est recouverte d’affiches du Brésilien Ronaldo.
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A l’époque, son immense détermination ne suffisait pas à le distinguer des autres. Responsable de l’étage au-dessus, la nationale U17, Armand Garrido n’est pas immédiatement tombé sous son charme. Il nous dit : « La première fois que je l’ai vu, je n’ai pas vu l’évidence. C’était un joueur talentueux mais aussi à l’intérieur. Il a joué au niveau régional et les U17 dont je m’occupais ont joué au niveau national. Et je me suis dit que ce qu’il proposait n’était pas suffisant. Il devait donner plus dans l’investissement pendant les matchs. A 15 ans, quand je le vois, il est épais, renfermé. Nous ne l’entendons pas. Il observe plus qu’il ne fait. Deux actions en une heure ne suffisaient pas.«
L’ombre de Ben Arfa et un Euro sur le banc
Un physique frêle, un manque de vitesse : certains doutent encore de lui à l’OL. Mais le gamin a une constance : il fait tomber les buts comme la grêle. Parmi les jeunes qui aspirent à se faire une place parmi les champions de France, Benzema n’est pas du tout le plus avancé.
Jusqu’à ses débuts professionnels, plus encore à ses 15 ans et six saisons avant de rejoindre le Real Madrid de Cristiano Ronaldo, il s’est construit dans l’ombre d’un autre phénomène : Hatem Ben Arfa. « Personne ne connaissait Karim à l’époqueconfirme Garrido. Hatem a pris toute la lumière, le public a crié son nom. À ce moment-là, le génie, c’était lui. Il fait des choses que personne n’a jamais faites. Mais un an et demi plus tard, la situation s’est inversée car Karim est complètement concentré sur le football.«
En équipe de France, le parcours est le même. Benzema a dû attendre le Championnat d’Europe U17 en 2004 pour rejoindre les Bleuets, tandis que Rémy Riou, Sandy Paillot, Anthony Mounier ou… Hatem Ben Arfa, ses amis de l’OL, avaient déjà quelques galons internationaux. C’est René Girard, alors entraîneur des U16 français, qui l’a repéré au tournoi de Montaigu, où Benzema a terminé meilleur buteur. Après avoir donné un savon aux éducateurs lyonnais à qui ils reprochent de ne jamais lui avoir parlé de Benzema, Girard passe la pipe à Philippe Bergeroo en pleine préparation de l’Euro U17.
Aujourd’hui, vous êtes les stars, mais je travaille et je prendrai votre place
« On s’entraînait à Soulac et j’avais besoin d’un attaquant pour mon bancnous confiait le sélectionneur des U17 de l’époque. Karim est arrivé très timide. Je lui ai dit : ‘on ne se connaît pas, tu vas faire la semaine à l’entraînement et on verra si je t’emmène à l’Euro. Le même jour, j’ai mis en place une séance d’attaque-défense et, à ce moment-là, j’avais une défense centrale exceptionnelle avec ces solides (NDLR : Steven Thicot et Karim El-Mourabet). La séance a commencé et il les a tourmentés avec ses mouvements. Les gars étaient en colère, contrariés et ont essayé de le rattraper mais c’était impossible. Sa gestion des mouvements était exceptionnelle, je n’avais jamais vu un joueur bouger de cette façon. Je l’ai appelé à la fin de la séance pour lui demander s’il était venu avec son passeport.«
A l’Euro, il n’a joué qu’une vingtaine de minutes mais a marqué pour son entrée en jeu lors du premier match face à l’Irlande d’un enchaînement contrôle poitrine – demi-volée qui en dit long sur son potentiel. Mais, devant lui, le quatuor Ménez, Nasri, Ben Arfa et Songo’o sont devant et le clouent sur le banc pour la suite de la compétition.
« Il est arrivé très tard dans nos radars peut-être aussi parce qu’il est né en décembre, à la fin de l’annéeBergeroo se justifie aujourd’hui. Il ne plaisantait pas comme les autres mais quand il disait quelque chose, il avait toujours une idée en tête. Je me souviens d’un discours qu’il a prononcé devant d’autres : « Aujourd’hui, vous êtes les stars, mais je travaille et je prendrai votre place. Et aujourd’hui, il est passé devant tous les mecs qui avaient explosé avant lui.«
Un match à Sochaux et tout s’accélère
Après l’Euro, on n’en reparlera plus jamais. Car à l’approche de ses 17 ans, Benzema a changé de morphologie, il a pris du muscle, de la puissance et de la stature, et convaincu les sceptiques, de moins en moins nombreux. Un dernier match va faire basculer sa carrière à Lyon. Un voyage à Bonal à 16 ans et demi.
Armand Garrido dit : « Ce jour-là, il se dévoile et en plante quatre sur la pelouse de Sochaux. A Lyon, on se dispute pour savoir quel contrat lui proposer. Je me souviens de Guy Lacombe, qui était à l’époque l’entraîneur de l’équipe première de Sochaux, regardant la feuille de match et s’interrogeant à haute voix sur le bord de la ligne de touche. :’Il n’a pas de contrat ?’ Je mens, je lui réponds que les papiers ne doivent pas encore être arrivés à la FFF. Dans le bus du retour, je préviens tout le monde, les parents, les dirigeants. Je mets la pression et on signe Karim dans la foulée mais je peux vous dire que j’ai mal dormi. Ça a explosé d’un coup, c’est allé vite et ça a surpris tout le monde.«
« C’est vrai que ce jour-là j’ai vu qu’il avait un don pour marquerconfirme Guy Lacombe. On n’a pas été assez rapide mais là, j’aurais fait l’affaire du siècle… DommageBenzema a continué à Lyon et a rejoint l’équipe professionnelle à l’âge de 17 ans.
Un exploit alors que l’OL domine sans partage le championnat de France et possède l’un des effectifs les plus denses et les plus talentueux d’Europe. Mais là encore, tout le monde parle du prodige de Clairefontaine, Hatem Ben Arfa. Benzema, le silencieux, rôde dans son ombre. Six mois après les débuts très médiatisés de HBA, KB9 a aussi sa chance. La veille de son premier match avec les professionnels, un repas réunit toute l’équipe.
Karim Benzema sur ses débuts avec Lyon
Crédit : Getty Images
Il a fait rire le personnel, nous, beaucoup moins…
« On avait une tradition à l’époque, tous les jeunes qui rejoignaient le groupe devaient faire un discoursse souvient Nicolas Puydebois alors gardien et doublure de Grégory Coupet et Rémy Vercoutre. Et là, alors qu’il fait preuve d’une humilité folle et travaille en silence depuis des mois, il dit : ‘Merci de m’accueillir. Attaquants, vous feriez mieux d’être bon parce que je suis ici pour prendre votre place. Ça a fait rire le personnel, nous beaucoup moins. » Dans la salle, médusés, une bonne brochette d’internationaux dont Sidney Govou, Pegguy Luyindula ou encore Giovane Elber, ancien buteur du Bayern et du Brésil.
Le lendemain à Gerland, Benzema est revenu à la 77e minute. Numéro 33 au dos, sans flocage, il est déjà en mission. Très vite, il reçoit un ballon moyen qu’il sauve depuis la touche. Après un coup de sombrero sur son défenseur, il offre une passe décisive à Bryan Bergougnoux. Plus rien ne l’arrêtera désormais. « S’il avait eu cinq ans de plus, comme on manquait vraiment de buteur à cette époque, on aurait probablement gagné la Ligue des champions.« , regrette Puydebois. L’OL court toujours après la C1, Benzema en a gagné cinq. Mais c’est une autre histoire…
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