Indianapolis, 30 mai 1923. Sur l’ovale mythique où se déroulent les 500 Miles d’Indianapolis depuis 1911, il faut compter avec les constructeurs français. Ils ont même déjà gagné de nombreuses fois : Peugeot en 1913, 1916 et 1919 et Delage en 1914.
En 1923, Bugatti décide de tenter sa chance avec cinq voitures engagées par leurs pilotes. Les Type 30 sont équipées d’une carrosserie fuselée bleue, conçue par Louis Béchereau, un aérodynamicien qui travaille pour la firme aéronautique Spad.
Au Grand Prix ACF de 1923, Bugatti engage le tank, une voiture à la carrosserie entièrement enveloppante, mais à Indianapolis c’est un modèle plus classique avec les roues à l’air libre.
Pour la première fois, on voit le croquis du radiateur en forme de fer à cheval, bien qu’il soit habillé de profilage.
Malgré cette belle forme, le résultat de la Bugatti n’a pas été brillant à Indianapolis, avec une seule voiture à l’arrivée d’une course remportée par un Miller…
Mais l’histoire retiendra surtout que la Bugatti de Pierre de Vizcaya se caractérisait par une particularité plus excitante que tout résultat sportif : un tigre peint par Francis Picabia. C’est sans doute la première fois dans l’histoire qu’une automobile prête sa face, au sens littéral, à une œuvre d’art.

Francis Picabia est particulièrement sensible à l’automobile. Personnellement, il circule en pur-sang. A New York, il utilise une Mercer alors qu’en Europe on le retrouve au volant d’une Delage. Son ami, le photographe Man Ray a également capturé quelques clichés du peintre aux commandes de ses voitures à grande vitesse.

Dans la peinture du maître du dadaïsme, la mécanique est omniprésente. Pour le mouvement Dada, la machine est un agent de dérision et de destruction, un support de fantasmes qui stigmatise toutes les activités humaines. Lorsqu’il peint le portrait de Marie Laurencin, Francis Picabia peint un éventail. les portrait d’une jeune fille américaine en état de nudité est une bougie. Gabrielle Buffet prend les traits d’un pare-brise. L’enfant du carburateur se compose de poulies, de ressorts et de pas de vis. !
Picabia se souvient de visions furtives d’un angle de route éclairé, pendant une fraction de seconde, par le faisceau lumineux des phares. Une route de nuit, bien sûr.