Les avocats anticorruption au Liban et en Europe en sont convaincus : l’ouverture d’un dossier de blanchiment d’argent contre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, dans plusieurs pays européens, dont la France, est inéluctable. La visite à Beyrouth de juges venus d’Allemagne, de France et du Luxembourg, qui s’est achevée vendredi 20 janvier, a permis d’amorcer avec les autorités judiciaires libanaises une coopération, jusqu’alors entravée par l’oligarchie politico-financière . Riad Salamé et ses proches pourraient être entendus par des juges européens au Liban en février.
« La visite a été un catalyseura commenté Zena Wakim, avocate au sein de la fondation suisse Accountability Now, à l’origine des plaintes en Europe contre M. Salamé. Il y a un éveil de la société civile et des lanceurs d’alerte qui n’existaient pas jusque-là. La classe politique comprend qu’en dépit des obstructions, il y aura toujours des moyens d’obtenir des informations. Cela affaiblit la défense de Riad Salamé, qui dit que le dossier est vide. » Accountability Now a été approché par des acteurs financiers libanais désireux de partager des informations. Une plateforme va être mise à la disposition des lanceurs d’alerte, offrant assistance juridique et protection. Selon des sources proches de l’enquête, une personne de l’entourage de Riad Salamé a également proposé une coopération au Luxembourg.
L’héritage du grand orfèvre libanais, âgé de 72 ans, fait l’objet d’enquêtes ouvertes dans au moins six pays européens – Allemagne, Belgique, France, Liechtenstein, Luxembourg et Suisse. Leur coopération, facilitée par l’Agence européenne de coopération judiciaire (Eurojust), a permis de démêler une partie de la chaîne des avoirs, comptes et biens détenus par le patron de la BDL et son entourage à travers l’Europe. La France, l’Allemagne et le Luxembourg ont gé 120 millions d’euros d’avoirs, dont ceux de Riad Salamé et de son frère cadet, Raja, en mars 2022. hors mariage, a été mise en examen par la justice française, en décembre 2022.
Transfert d’argent en Suisse
L’ancien banquier d’affaires dit avoir fait fortune grâce à des investissements réalisés, en toute légalité, à partir du patrimoine de 23 millions de dollars qu’il détenait lorsqu’il a pris la tête de la BDL en 1993. La justice suisse le soupçonne , elle, d’avoir détourné plus de 330 millions de dollars de commissions sur la vente de titres financiers de la BDL entre 2002 et 2015, dans le cadre d’un contrat de courtage avec la société Forry, détente par Raja Salamé. Les magistrats européens, qui doutent de la réalité du travail effectué par Forry, suspectent que l’argent a été transféré en Suisse, puis sur des comptes bancaires détenus par Raja Salamé au Liban, avant d’être utilisés pour acheter des propriétés en Europe.
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