C’est une renationalisation qui intervient dans un contexte politique mais aussi international tendu. En pleine réforme des retraites, les tensions sociales et les grèves annoncées dans le secteur de l’énergie ajoutent de la pression sur le gouvernement, bien décidé à achever la renationalisation de l’énergéticien, dont il détient déjà 84%. Vendredi, l’Etat a franchi le seuil de 90% du capital d’EDF et pourra retirer les actions de la Bourse de Paris, a annoncé le ministère de l’Economie.
« Le 19 janvier 2023, l’État a franchi à la hausse le seuil de 90,00 % du capital et des droits de vote théoriques d’EDF sur une base entièrement diluée. En conséquence, l’Etat pourra, à l’issue de l’offre, procéder à la mise en œuvre du retrait obligatoire sur les actions EDF dès qu’il convertira les (obligations) OCEANE EDF déjà en sa possession.dit Bercy.
L’opération, d’un coût de 9,7 milliards d’euros, est stratégique pour l’Etat, qui veut construire six réacteurs nucléaires EPR de nouvelle génération, avec une option pour huit autres.
Ce rachat devrait donner carte blanche à l’exécutif pour diriger le groupe et mener, notamment, le vaste projet de renouvellement du parc nucléaire français.
L’entreprise est désormais en grande difficulté, minée par une dette colossale de 41 milliards d’euros fin 2021, qui pourrait s’envoler à plus de 60 milliards d’euros. Aussi, alors que la guerre en Ukraine presse pour trouver des alternatives au gaz russe, EDF doit gérer un parc nucléaire en grande partie en maintenance.
Petits actionnaires retirés du capital
Ce qui signifie ne pas avoir à consulter les 16 % d’actionnaires privés. Lesquels, pour certains d’entre eux, se sont sentis lésés par la vente forcée de leurs parts à prix fixe. Ainsi, à l’issue de l’offre, il pourra engager un retrait forcé des actions EDF de la Bourse de Paris, c’est-à-dire contraindre les actionnaires minoritaires restants à céder leurs actions, car ils représentent désormais moins de 10 % du capital et des droits de vote droits.
L’offre était déposé en octobre au prix de 12 euros par action EDF et 15,52 euros sur les obligations convertibles « Océane » 2024 existantes. Ces petits actionnaires sont pour la plupart des salariés ou anciens retraités d’EDF, pour qui le prix de rachat, actuellement fixé par l’Etat à 12 euros par action, est insuffisant.
Ce prix a été validé par le rapport d’un expert indépendant, mais les petits actionnaires estiment que l’entreprise est sous-évaluée et qu’elle a été injustement pénalisée dans ses revenus par un mécanisme imposé par l’État (Arenh) les obligeant à vendre de l’électricité à bas prix. prix à des fournisseurs alternatifs.
En bourse, il s’agit donc d’un pas décisif franchi par l’Etat dans le cadre de son offre publique d’achat (OPA), dont l’échéance avait été repoussée sine die en raison d’un recours en justice pour les actionnaires minoritaires.
Action en justice en cours
L’OPA, ouverte le 24 novembre, devait initialement se clôturer le 22 décembre. Mais l’AMF a décidé le 7 décembre de repousser cette échéance. « dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Paris sur la demande de sursis » déposée par un groupe d’actionnaires minoritaires mécontents du prix proposé.
« On voit que la situation s’enlise, alors qu’il suffirait de trouver un accord avec une hausse de prix qui convienne à toutes les parties, pour que les recours cessent et que les opérations soient menées à bien »raconte Martine Faure, chef de file des petits transporteurs insoumis, à l’origine de nombreuses actions en justice intentées depuis des mois.
L’audience pour statuer sur ce sursis est prévue le 25 janvier. Une autre audience est ensuite prévue sur le fond, le 23 mars, à la chambre de régulation économique et financière de la cour d’appel.
Plus largement, la question reste en suspens de savoir comment l’État, lorsqu’il sera seul maître à bord de l’entreprise, entend donner à EDF les moyens de construire six réacteurs nucléaires EPR de nouvelle génération, avec une option pour huit autres.
Ce projet coûtera des dizaines et des dizaines de milliards d’euros, alors que les finances d’EDF sont grevées par une dette record approchant les 60 milliards.
(avec agences)